De nos jours la conception de stratégies de communication efficaces se fait selon une démarche alliant rigueur, professionnalisme, travail d’équipe, participation et créativité. Cette démarche respecte les principes d’une bonne planification soit

  • avoir une pensée organisée;
  • lier les activités et les ressources aux résultats escomptés;
  • déterminer des indicateurs de performance et des moyens de vérification;
  • répartir les responsabilités et communiquer de manière concise et sans ambiguïté;
  • s’adapter à une situation en évolution et évaluer les risques.

Par ailleurs, l’élaboration des stratégies doit s’inspirer de l’expérience acquise en matière de communication pour le développement.

  • Les programmes de développement doivent comprendre dès le départ un volet communication avec des objectifs bien définis car il leur vient en appui. Les objectifs de communication doivent être réalistes, précis, mesurables et comporter un délai d’exécution.
  • L’étude et la segmentation de l’audience ou de la communauté cible sont cruciales car le changement est attendu au niveau de personnes ou de groupes, et les opinions, les attitudes et comportements, les styles de vie et la réaction aux messages diffèrent d’un groupe à l’autre. De ce point de vue, la recherche socio-culturelle peut être exploitée pour développer des actions de communication culturellement adaptées au milieu concerné.
  • La recherche doit être présente à toutes les phases critiques du processus de planification, d’exécution et d’évaluation d’une intervention de communication. A la phase de la planification, elle fournit les informations nécessaires aux choix stratégiques. Pendant l’exécution, on l’utilise pour développer des messages et du matériel appropriés aux cibles visées (connaissance de l’auditoire, prétest) et éventuellement pour résoudre des problèmes inattendus (recherche opérationnelle). Enfin, elle permet de suivre et d’évaluer l’intervention.
  • Les approches multimédias sont les plus efficaces: la communication ne se réduit pas aux médias, si puissants soient-ils; elle utilise d’autres canaux de communication formels et informels, y compris interpersonnels.
  • Les messages doivent être clairs, simples, spécifiques, faciles à comprendre et répétés souvent. En outre, ils doivent être cohérents et coordonnés même s’ils proviennent de différentes sources: ministères de l’agriculture, de la santé, de la promotion de la femme, de l’environnement, de la jeunesse, ONG… Enfin, ils doivent provenir d’une source crédible aux yeux de la cible.
  • L’approche participative (implication des parties prenantes, y compris les bénéficiaires) doit être privilégiée autant que possible car il faut «parler avec» les populations et non «parler aux» populations (communication de haut en bas).
  • L’approche genre doit être intégrée à toutes les étapes de la conception et de la mise en œuvre d’une intervention de communication: prise en considération des préoccupations et participation effective des deux sexes, respect de l’équilibre ou de l’équité entre les sexes, rejet des stéréotypes de type sexiste, etc.

Enfin, il est important de noter que la communication pour le développement vise le changement (ou l’adoption) de comportement par une population cible et, à plus long terme, le changement social. De ce point de vue, le changement de comportement durable est un processus plus ou moins long qui dépend, outre de la communication, de facteurs tels que la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des services, le contexte socio-culturel et politique, le niveau d’instruction et le statut socio-économique. Il suppose souvent, en Afrique, un minimum de changement social compte tenu de l’emprise des relations et des structures sociales sur l’individu.

Il passe par des étapes qu’on peut schématiser comme suit:

Processus du changement de comportement: auditoires et stratégies de communication possibles

Source: BM, 1999: 16

Il existe bien une relation entre communication et changement de comportement comme l’indiquent les deux figures suivantes.

Figure 1: Pourcentage de femmes et d’hommes utilisant les contraceptifs modernes selon le nombre de canaux de communication les ayant touchés

(PCS, Kenya, 1994; N = 4 459)

(Le taux de prévalence national pour les contraceptifs modernes est de 20,4 %)

Canaux: Radio Théâtre radiophonique Matériel imprimé Agent de DBC

Figure 2: Pourcentage de femmes et d’hommes utilisant les contraceptifs modernes selon le nombre d’étapes de changement de comportement parcourues

(idem, 1994)

Etapes du changement:

Connaissance Attitude En parle à des amis En parle avec le conjoint Conjoint approuve Plaidoyer

Avant de présenter la méthodologie d’élaboration de stratégies de communication pour le développement, la notion de stratégie de communication ainsi que quelques modèles seront rappelés.

Encadré n° 5: La notion de stratégie de communication

En communication pour le développement, la stratégie est un plan-cadre comprenant une combinaison d’interventions de communication capables de susciter les changements nécessaires en matière de connaissances, d’opinions, d’attitudes, de croyances ou de comportements au niveau de la population visée en vue de résoudre un problème de développement, selon un calendrier donné (souvent à moyen terme) et compte tenu des ressources disponibles. Elle constitue un engagement et une boussole permettant de mobiliser et d’orienter les actions et les énergies des différents partenaires.

La stratégie de communication diffère

  • d’une politique de communication, document écrit qui fixe les finalités, les grandes lignes directrices et les standards devant guider l’utilisation et l’organisation de la communication pour atteindre les buts de développement que se donne un Etat ou une institution. Aujourd’hui, plusieurs pays africains se sont dotés d’une politique nationale de communication pour le développement;
  • d’une campagne de communication qui est un ensemble coordonné d’activités de communication médiatiques et non médiatiques menées de manière intensive sur une période relativement courte et dans un espace donné en vue d’atteindre des effets précis (exemple: campagne de lutte contre les feux de brousse en début de saison sèche). Elle nécessite une stratégie propre qui peut découler d’une stratégie de communication d’ensemble.

1.1 Modèles de planification d’une stratégie de communication pour le développement

Il existe des dizaines de modèles dans la littérature parmi lesquels on peut citer:

  • le modèle «5» de Healthcom/l’AED (Academy for Educational Development)

    1- Faire l’évaluation initiale

    2- Planifier

    3- Préparer le matériel

    4- Mettre en œuvre

    5- Evaluer

  • le «Processus P» de JHU/CCP

    1- Analyse

    2- Conception de la stratégie

    3- Développement de messages et de matériel

    4- Gestion, mise en œuvre et suivi

    5- Evaluation d’impact

  • le modèle de AIDSCOM (communication en matière de SIDA):

    1- Evaluation/Planification: recherche; stratégie; pretest; plan final

    2- Intervention: production; distribution

    3- Suivi: audit du processus; évaluation des produits; évaluation d’impact

  • le processus en 11 étapes de Sylvie Cohen (FNUAP, 1993)

    1- Identifier les objectifs de communication et ceux du programme

    2- Sélectionner les groupes d’auditoires, par ordre de priorité

    3- Identifier les changements souhaités pour chaque cible

    4- Identifier les facteurs du milieu favorables ou défavorables aux changements souhaités

    5- Déterminer les types d’activités d’IEC nécessaires pour provoquer les changements

    6- Exposer les grandes lignes de messages clés et des stratégies de message

    7- Déterminer la gamme des canaux de communication

    8- Identifier des stratégies d’organisation et de gestion (y compris suivi et évaluation)

    9- Calculer le montant des ressources nécessaires pour mener les activités

    10- Prévoir des délais réalistes pour les actions à mener ainsi que leur chronologie

    11- Examiner la stratégie, l’adapter et la faire adopter

  • le «cadre A» de planification en Plaidoyer de JHU/CCP:

    1- Analyse

    2- Stratégie

    3- Mobilisation

    4- Action

    5- Evaluation

    6- Continuité

  • le modèle de l’approche participative communautaire de la FAO (1995)

Une analyse comparative de ces différents modèles fait apparaître des points communs dans la mesure où l’on retrouve partout au moins les deux grandes phases suivantes:

  • analyse de la situation (phase préliminaire);
  • plan ou stratégie de communication (phase de conception et de préparation de la mise en œuvre).

1.2 Le processus générique de planification d’une stratégie de communication pour le développement

Le processus de planification d’une stratégie de communication est déterminé par les étapes d’élaboration et de mise en œuvre des stratégies de communication. On peut le résumer dans la figure ci-après.

Figure 3: Le processus de planification et de mise en œuvre de la communication

De manière plus détaillée, le processus peut être représenté comme suit.

Encadré n° 6: processus de planification et de mise en œuvre d’une stratégie de communication pour le développement

En ce qui concerne la phase de planification proprement dite – sur laquelle se concentre le présent document – la figure 4 ci-dessous en donne un aperçu.

Figure 4: Le processus de planification d’une stratégie de communication pour le développement

  • L’analyse de la situation permet d’identifier le problème en matière de développement ainsi que les questions de communication qui lui sont liées. Elle permet également d’identifier les forces et les faiblesses, les atouts et opportunités d’une part, les obstacles et contraintes d’autre part dont il faudra tenir compte lors de la planification puis de l’exécution de la stratégie ainsi que les risques et postulats sur lesquels cette stratégie est fondée.
  • Grâce à des messages appropriés, véhiculés vers les cibles concernées par des canaux adéquats, la communication favorise les changements nécessaires à la résolution des problèmes de développement.
  • Le volet opérationnel de la stratégie prévoit le plan d’exécution ainsi que les éléments nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie: cadre institutionnel, production du matériel de communication, formation des ressources humaines, renforcement des capacités institutionnelles (si nécessaire), suivi-évaluation, budget et calendrier d’exécution.