Le professeur Mohamed Tahar Abadlia est, depuis quelques mois, recteur de l’université Saâd Dahleb de Blida (USDB). Il a été directeur d’une unité de recherche à Boumerdes et ex-recteur de l’université Mohand Oulhadj de Bouira. Il a occupé aussi plusieurs postes dans le secteur économique : président du holding bâtiment et matériaux de construction, ainsi que celui chapeautant la réalisation et les grands travaux. Dans cet entretien, il revient sur l’interaction université secteur économique ainsi que sur le concept de création des pôles d’excellence dans les universités algériennes.

-Votre université vise l’installation de son système assurance qualité. Où en êtes-vous et quel intérêt pour le monde économique ?

Effectivement, aller vers des pôles d’excellence thématique sera mon cheval de bataille tout au long de mon mandat au niveau de cette méga université dont l’effectif des étudiants a déjà frôlé les 50 000. L’USDB, comme c’est le cas de la majorité des universités algériennes, a presque toujours évolué à l’horizontale, je fais allusion-là à l’aspect quantitatif. Notre objectif est de faire évoluer cette université à la verticale en faisant sortir des pôles d’excellence que nous allons doter de moyens adéquats. On ne peut mettre en place un système assurance-qualité que si l’université est complètement informatisée en mettant en œuvre tous les outils de l’informatique décisionnelle ou ce que l’on appelle aussi la gouvernance numérique.

A travers l’installation du système assurance-qualité, nous visons un triple objectif : asseoir un ensemble de processus et de procédés permettant d’aller vers plus de pertinence dans les résultats de la recherche et développement (R§D),  renforcer la passerelle de confiance entre le secteur économique et l’université par la promotion des pôles d’excellence et promouvoir la fonction R§D pour plus de visibilité de nos établissements du supérieur à l’échelle internationale. L’année 2013 verra le lancement d’une opération d’informatisation globale de l’USDB. 2014 constituera le début de l’évaluation et la mise en place du système assurance-qualité. En 2015, nous espérons atteindre un stade de mode de fonctionnement du système assurance-qualité qui nous permettra d’être certifiés par des organismes accrédités à l’échelle nationale.

En matière de pôle d’excellence thématique, je crois qu’il faut développer tout ce qui est stratégique au niveau national ou régional, tels que l’aérospatial, l’agro-alimentaire et la médecine vétérinaire et profiter surtout de la station expérimentale relevant de la faculté des sciences agronomiques et vétérinaires. Nous comptons aussi miser sur le transport électrique et les énergies renouvelables.

-Depuis quelques  années, les effectifs des diplômés chômeurs augmentent. Nos diplômés universitaires ne satisfont plus, peut-être, les chefs d’entreprise qui souvent recourent aux compétences extrafrontalières. Quel est votre commentaire ?

Le tissu industriel n’est pas assez développé pour absorber toute la masse de diplômés qui grossit d’une année à une autre. Ceci, d’une part, d’autre part par le fait même que nos universités évoluent à l’horizontale, cela a affecté négativement la qualité de la formation des futurs cadres. Mais aussi, ne l’oublions pas, et il s’agit-là d’une réalité dûment constatée sur le terrain, nos chefs d’entreprise, même parfois face à une compétence de grande notoriété, n’ont malheureusement pas cette ambition du long terme.

-Comment qualifiez-vous actuellement l’interaction université-secteur économique en Algérie ?

Le secteur économique ne s’implique pas assez dans la formation universitaire. En Europe, le secteur économique finance les formations. Aux USA, il y a une étroite collaboration de pointe entre l’armée et l’université quand il s’agit de développer des technologies de pointe dans le domaine du spatial, l’aviation et j’en passe. Donc, je vais faire l’effort nécessaire pour rétablir dans cette région, très riche de la Mitidja, le lien de confiance entre l’université et le secteur économique.

Il y a eu auparavant le lancement de plusieurs spécialités entre l’université et le secteur économique et qui ont constitué de vraies success story.  De son côté, l’université doit être plus agressive en cherchant des partenariats à des échelles plus étendues. Il ne faut pas que l’université reste figée dans le rôle de la formation, il faut qu’elle aille vers la conception. Je vais créer d’ailleurs une cellule de valorisation, développement et relations extérieures pour que notre université soit plus visible. Les produits chinois sont en train d’envahir notre pays. Je crois que l’enseignement du chinois devient un impératif national vu l’importance du volume d’échanges entre l’Algérie et ce pays. Quand des responsables de grandes firmes dans un pays comme l’Allemagne se rendent régulièrement en Chine pour se former, cela donne quand même matière à réfléchir. Je crois qu’il est temps de commencer à connaître le chinois en tant que langue et en tant que personne. Nous seront tôt au tard contraints de lancer des formations dans ce sens.

En ce qui concerne nos laboratoires de recherche qui sont actuellement au nombre de 32, mon message à l’égard des directeurs de labos était simple et clair : vous êtes libres, vous êtes autonomes et vous avez des budgets de fonctionnement et d’équipement. Vous allez travailler avec objectif, je veux des produits. Maintenant, si demain un industriel bien loti décide de créer un service recherche et développement (R§D), il aura toujours besoin de l’université car tout d’abord cela lui reviendra très cher et les boîtes capables de créer leurs propres services R§D se comptent sur les bouts des doigts. Créer un service R§D cela suppose aussi de la part de l’entreprise qu’elle va travailler sur le recrutement des permanents, y compris les frais d’exploitation d’un tel service. D’autre part, la multiplicité et la complexité des problèmes rencontrés in situ par les industriels font que les besoins sont multiples.

 

Source: http://www.elwatan.com